L'atelier Étienne Doudieux (1638-1706)

 

Loué, église Saint-Symphorien :
Saint Pierre, 1666.

Étienne Doudieux est né au Mans, en 1638, d’un père sculpteur, Louis, qui n’est autrement connu. Son frère cadet, Nicolas, qui était peintre, avait collaboré avec lui sur certains chantiers. Qu’elles soient formellement attestées ou qu’elles lui soient simplement attribuées, ses sculptures témoignent d’une production particulièrement abondante, faisant de l’atelier de cet artiste l’un des plus actifs de la seconde moitié du XVIIe siècle. La plupart de ces œuvres ont été repérées dans les églises de la Sarthe et de la Mayenne : Doudieux a essentiellement travaillé pour les paroisses du Maine qui alors, prenant exemple sur les grands établissements religieux de la région, ont à leur tour voulu adapter le décor de leurs sanctuaires à l’esprit de la Réforme catholique.

La plus ancienne œuvre connue de Doudieux est un Saint Pierre, signé et daté de 1666, qui se trouve dans l’église de Loué, mais qui provient probablement de l’abbaye voisine d’Étival-en-Charnie. Si les archives font état de plusieurs commandes passées à l’artiste, la plupart ne concernent malheureusement que des œuvres disparues, un Saint Martin à Souillé en 1670, une Vierge pour l’abbatiale de Notre-Dame du Pré au Mans en 1682, des statues à Bonnétable en 1685, un Saint Sébastien à Maresché en 1696, des “figures” pour l’abbaye de la Boissière à Dénezé-sous-Le-Lude (Maine-et-Loire) avant 1697 ... En revanche, l’église de La Guierche conserve, dans le retable de son maître-autel, trois des cinq statues qui lui avaient été commandées entre 1672 et 1676, une Vierge à l’Enfant, un Saint Jacques le Majeur et une Sainte Barbe.


La Guierche, église Notre-Dame : Saint Jacques le Majeur, 1676.


Dans la Sarthe et la Mayenne, plusieurs sculptures lui sont attribuées, par comparaison avec les statues de Loué et de La Guierche. Ainsi, dérivant des statues antiques de la Vénus au pilier, la Sainte Barbe de La Guierche est très proche d’autres représentations de la sainte à Saint-Thomas de La Flèche — dont des versions en plâtre seront moulées au XIXe siècle à Candé (Maine-et-Loire), Sablé-sur-Sarthe et Bouloire —,

La Guierche, église Notre-Dame : Sainte Barbe, 1672.

Saint-Georges-du-Plain, au Mans. À ce groupe, se rattachent aussi certaines représentations de la Vierge, ainsi à La Chapelle-Saint-Fray. Les visages féminins aux formes rondes et pleines autorisent d’autres rapprochements, notamment avec une Sainte Madeleine dans l’église de Sargé-lès-Le-Mans, une Vierge à Ardenay-sur-Mérize et une autre Vierge à Saint-Paul-le-Gaultier. Ces dernières rappellent elles-mêmes d’autres représentations de Marie à Chaufour-Notre-Dame, Ballon, La Ferté-Bernard, Vallon-sur-Gée. La silhouette dégingandée du Saint Jacques de La Guierche rappelle celle de nombreuses autres statues du Maine, un Saint-Roch

Nogent-le-Bernard, église Saint-Jouin :
Saint Roch, 2e moitié
du XVIIe siècle.

à Nogent-le-Bernard, un Saint Jean-Baptiste à Saint-Vincent-du-Lorouër et à Arquenay (Mayenne), plusieurs Saint Sébastien à Terrehault, Courcelles-la-Forêt, Challes, Teloché, Trangé, Souvigné-sur-Même… Le visage aux traits volontaires du Saint Pierre de Loué est à l’évidence de la même main que plusieurs statues du saint conservées dans les églises sarthoises, à Ballon, Teloché, Nogent-le-Bernard, Maresché, Auvers-sous-Montfaucon.

Comme les artistes de la première moitié du XVIIe siècle, Doudieux est resté fidèle au modèle des sculptures de Germain Pilon dans l’abbatiale de la Couture : en témoignent le Saint Pierre et le Saint Paul du maître-autel de Teloché, ainsi que, à La Ferté-Bernard, dans l’église Notre-Dame des Marais, une Vierge dont l’Enfant esquisse le même mouvement que dans la célèbre statue du Mans.

Teloché, église Saint-
Pierre-et-Saint-Paul :
Saint Pierre, 2e moitié
du XVIIe siècle.

Mais il a également subi l’influence de ses aînés, notamment celle de Charles Hoyau, sensible dans la composition de plusieurs de ses œuvres. Ainsi, l’attitude de la Vierge à La Chapelle-Saint-Fray, Ballon et Vallon-sur-Gée dérive assez directement de celle de la Vierge à l’Enfant de Foulletourte. Deux statues de sainte Marguerite, à Crannes-en-Champagne et Maresché, sont inspirées de la Sainte Marguerite qu’avait modelée cet artiste pour la cathédrale du Mans.

La documentation fait état parfois de la collaboration de Doudieux avec d’autres artistes, ainsi avec son frère, Nicolas, dans l’église de Sceaux-sur-Huisne, mais également avec le sculpteur François Sallé, qui était probablement le fils d’un autre François Sallé, peintre au Mans dans la première moitié du XVIIe siècle. L’église de Maresché, où la présence des deux artistes est attestée vers 1696, conserve une Sainte Barbe qui, très proche des statues de La Guierche et de La Flèche, pourrait être de la main de ce dernier. Aucun des enfants de Doudieux n’a embrassé une carrière artistique, mais ce n’est pas le cas de l’un de ses neveux, Joseph Coeffeteau qui a développé, dans la première moitié du XVIIIe siècle, une manière si proche de celle de son oncle — ainsi dans les nombreuses figures du maître-autel de Moncé-en-Saosnois — que l’on peut avancer sans risque l’hypothèse d’un apprentissage assuré auprès de celui-ci.