L'atelier Charles Hoyau

  Bien que Charles Hoyau, l’un des plus doués des sculpteurs manceaux du XVIIe siècle, ait joui de son vivant d’une notoriété certaine, la documentation est singulièrement avare à son propos. Nous ignorons la date et le lieu de sa naissance : était-il bien originaire du Maine ? Une tradition locale, jamais confirmée, prétend qu’il était apparenté à Gervais I Delabarre. Plus sûrement son épouse, Isabelle Préhoust, atteste ses liens familiaux avec les sculpteurs manceaux qui portent le même patronyme, Marin et Julien. L’artiste s’est éteint peu avant 1644, année où cette épouse était désignée comme veuve.


Marolles-les-Braults, église Saint-Remy : Déploration.


Le Mans, cathédrale Saint-Julien : Sainte Marguerite, vers 1633.

Les rares mentions de son activité artistique ne concernent qu’un court intervalle entre 1630, où il a exécuté une série de sculptures pour le couvent des Minimes du Plessis-lès-Tours, dont sont conservés deux Évangélistes dans une chapelle de La Riche, près de Tours, et 1635 où il avait reçu commande du célèbre Sépulcre de l’église de Marolles-les-Braults. Les parentés évidentes de cet ensemble avec le grand Sépulcre des Cordeliers du Mans, actuellement dans la cathédrale, commandé à Gervais I Delabarre en 1615 et achevé en 1621, suggèrent que l’artiste a pris une part certainement prépondérante dans son élaboration. Il avait également exécuté, en 1632, une Adoration des bergers (disparue) dans l’abbaye de Beaumont-les-Tours. L’année suivante, il était occupé à d’importants travaux dans la cathédrale du Mans, où il avait succédé à Gervais I Delabarre pour le décor du jubé — la grande Vierge de douleur assise de la cathédrale, sur laquelle sont gravées la signature de l’artiste et l’année 1633, trônait autrefois au sommet du monument — et où il avait modelé plusieurs sculptures pour l’autel de sainte Cécile, commandé en 1633 par un chanoine en l’honneur d’un concours de musiciens organisé chaque année le jour de la fête de la sainte. Accompagnant la Sainte Cécile jouant de l’orgue, le chef-d’œuvre de l’artiste, figuraient les statues de sainte Marguerite, saint François et de sainte Marthe, seule cette dernière ayant disparu. À Marolles-les-Braults, outre les personnages du Sépulcre, le curé lui avait commandé la statue “grandeur nature” de son saint patron, saint François d’Assise, placée dans une niche du retable du maître-autel.


Le Mans, cathédrale Saint-Julien : Vierge de douleur, par Charles Hoyau, 1633, signature de l’artiste
au revers.

Le Mans, cathédrale Saint-Julien : Vierge de douleur, 1633.

Deux œuvres de la cathédrale, la Vierge de douleur et la Sainte Cécile portent la signature de l’artiste, particularité rare qu’il convient d’interpréter comme un geste d’affirmation artistique et que l’on retrouve sur un certain nombre d’autres de ses sculptures, une grande Vierge à l’Enfant dans l’église de Foulletourte à Cérans-Foulletourte, un Saint Sébastien dans l’église Saint-Thomas de La Flèche et une Vierge de pitié conservée au prieuré Sainte-Marie de Fontevraud, à Martigné-Briand (Maine-et-Loire), qui provient de l’abbaye de Fontevraud.

Les figures du grand Sépulcre de Marolles-les-Braults et de celui des Cordeliers du Mans illustrent la diversité de l’art de Hoyau : image athlétique et idéalisée du corps du Christ, expression austère de la Vierge et des saintes Femmes, élégance sophistiquée de la Madeleine. Les Évangélistes de la Riche, le Saint Sébastien de La Flèche et la Vierge de Foulletourte démontrent le goût de l’artiste pour les fortes torsions du corps et pour le mouvement. Le visage rond aux formes pleines de la Vierge de Foulletourte évoque fortement celui de la très belle Vierge assise de la cathédrale du Mans, ce que ne contredit absolument pas son drapé précieux et compliqué, qui reflète idéalement la manière élégante de Hoyau. Sa pose gracieuse et le mouvement de son vêtement permettent de la rapprocher d’une Vierge de l’Annonciation, dans l’église de Juillé. Le visage rehaussé d’une fine barbiche et la chevelure bouclée du Saint Jean, dans chaque Sépulcre, que l’on retrouve aussi dans le Saint Sébastien de La Flèche, forcent la comparaison avec un ensemble de trois autres statues, un Saint Étienne flanqué de Saint Gervais et Saint Portais, conservées dans la chapelle Saint-Laurent de la cathédrale du Mans. La comparaison s’applique également à un autre Saint Étienne, dans l’église de Moncé-en-Belin.

Réplique très fidèle, à une échelle différente, d’un autre Saint Sébastien, daté de 1634, conservé dans la collégiale d’Évron (Mayenne), le Saint Sébastien de La Flèche illustre une pratique fréquemment observée dans la production mancelle : le succès de certaines compositions incitait l’artiste, ou ses suiveurs, à en répéter les principaux traits, seul variant le format de la sculpture qui devait être adapté à la taille du monument auquel il était destiné. La facture du Saint François de Marolles-les-Braults est ainsi très voisine de celle d’un autre Saint François dans la cathédrale du Mans : tous deux seraient à rapprocher d’une troisième statue du saint conservée dans la cathédrale de Laval, attribuée avec beaucoup de probabilité à Hoyau. La Vierge de pitié du prieuré de Fontevraud a donné lieu également à un grand nombre de répliques à des formats divers, parmi lesquelles une sculpture de grande taille aux Cordeliers de Laval et une autre plus petite conservée au musée d’Édimbourg. Dans le Maine, on conserve plusieurs groupes, œuvres d’artistes plus modestes séduits par cette composition, à Notre-Dame du Pré, au Mans, à Mulsanne, Beaumont-sur-Sarthe, Mulsanne, Saint-Pierre-du-Lorouër et Parigné-l’Évêque.

Parallèlement à ces grandes commandes, Hoyau paraît avoir réalisé un certain nombre d’œuvres moins ambitieuses, qui ne sont pas signées. Parmi celles-ci, on dénombre plusieurs statues de la Vierge dont la pose élégante et le drapé animé avec grâce évoquent fortement sa manière virtuose à Saint-Benoît du Mans, au collège Notre-Dame de La Flèche, à Pringé (œuvre volée en 1990), à Fillé et Teloché.