Un foyer créatif



 

La Flèche, église Saint-Thomas, Vierge à l'Enfant, XVIIe siècle.

La plupart des artistes ont exercé leur activité au sein du cadre familial, suivant une pratique largement répandue déjà aux périodes précédentes. Étienne Dionise, le frère de Matthieu, collaborait, semble-t-il, avec celui-ci. Gervais I Delabarre, le neveu de Dionise était peut-être le fils d’un sculpteur ; deux de ses fils et deux autres de ses petits-fils ont exercé le même métier. Selon une source invérifiable, Charles Hoyau aurait été apparenté à Delabarre ; en tout cas son épouse, Isabelle Préhoust, atteste une alliance de l’artiste avec les sculpteurs Marin et Julien. René I Biardeau était le père de René II et de Pierre ainsi que, peut-être, l’oncle de Georges. Étienne Doudieux était également fils d’un sculpteur, Louis ; son frère, Nicolas, qui était peintre, travaillait parfois sur les mêmes chantiers que lui ; il a probablement formé son neveu, Joseph Coeffeteau, installé au Mans dans la première moitié du XVIIIe siècle. Noël Mérillon aurait travaillé en compagnie d’un ou plusieurs de ses fils ; issu d’une famille de maîtres maçons, il a certainement embrassé la carrière artistique grâce à ses liens avec René II Biardeau, son beau-frère. À Pierre Lorcet, ont succédé, au XVIIIe siècle, Pierre II et Pierre III, sans doute ses fils et petit-fils. Fils d’un vigneron des environs de La Flèche, Nicolas Bouteiller faisait figure d’exception : ses talents ont peut-être été décelés par les jésuites de la ville.

Ce dernier mis à part, l’importance du réseau familial montre des artistes rarement isolés dans leur atelier, ce que confirme parfois la documentation. Gervais I Delabarre fut appelé à seconder son oncle Dionise pour l’exécution de la Vierge de Parigné-l’Évêque. En 1619, son nom était associé à celui d’Étienne Dionise et d’un autre sculpteur, Antoine Armelin, à propos du décor de l’église du Puy-Notre-Dame, en Anjou. Vers la fin de sa vie, en compagnie de son fils Gervais II, il entreprenait plusieurs travaux, parmi lesquels les statues disparues du maître-autel des Jésuites de La Flèche. Son activité intense et son large rayon d’action justifiait évidemment de telles collaborations. Ainsi, entre 1614 et 1621, il assumait la commande du célèbre groupe de la Déploration du Christ destinée à l’église des Cordeliers du Mans, transféré depuis dans la cathédrale, alors que, pendant la même période entre 1615 et 1619, sa présence était également attestée à Poitiers. Voilà pourquoi, en 1615, un certain Deonis — Matthieu ou Étienne Dionise ? — fut contraint de signer en son nom une des quittances du groupe des Cordeliers, comme l’atteste une pièce d’archives récemment exhumée. Cela expliquerait également que, jusqu’à la découverte du document, ce groupe fût longtemps attribué à Hoyau, à cause d’évidentes parentés avec les figures du Sépulcre de Marolles-les-Braults exécutées par cet artiste en 1635. L’importance de l’atelier de Delabarre confère à ce dernier les dimensions d’une véritable entreprise, amenée à solliciter la collaboration d’autres sculpteurs, en fonction des circonstances. Peut-être l’insistance de Charles Hoyau à signer ses œuvres trahit-elle sa volonté d’affirmer une personnalité hors du commun, qui, faute de cette précaution, aurait paru noyée dans l’anonymat d’une si grande entreprise ?